L’encadrement légal des mesures de contention et d’isolement en psychiatrie

La contention mécanique est définie par la HAS comme étant l’utilisation de tous moyens ou méthodes empêchant ou restreignant les capacités de mouvements volontaires de tout ou partie du corps du patient.

L’isolement et la contention sont envisagés uniquement lorsque des mesures alternatives, moins restrictives, ont été inefficaces. Le recours à ces pratiques est justifié par des arguments cliniques. Elles sont mises en œuvre pour répondre ou anticiper une violence impossible à maîtriser lorsque la situation peut engendrer un risque grave pour l’intégrité du patient ou celle d’autrui. Elles sont utilisées pour une durée limitée, et de manière adaptée et proportionnée au risque, après une évaluation du patient.

Ces deux mesures sont prises sur décision d’un psychiatre, après concertation pluriprofessionnelle, dans le cadre d’une démarche thérapeutique qui exige la prescription d’une surveillance et d’un accompagnement intensifs.

 

1 - Le cadre juridique applicable aux mesures de contention et d’isolement en psychiatrie

L’isolement et la contention sont des restrictions aux libertés individuelles. L’article L 3211-3 du code de la santé publique encadre de manière générale la prise en charge des personnes hospitalisées en soins psychiatriques. Il précise que les restrictions à l'exercice des libertés individuelles doivent être « adaptées, nécessaires et proportionnées » à l’état mental du patient et à la mise en œuvre du traitement requis. « En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée ».

Le régime des mesures d’isolement et de contention en psychiatrie trouve son fondement dans l’article L 3222-5-1 du Code de la santé publique, qui le définit comme « L'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d'un psychiatre, prise pour une durée limitée. Leur mise en œuvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin. »

Les recommandations officielles1 de la Haute Autorité de Santé (HAS) indiquent que les mesures d’isolement et de contention doivent être “réservées aux personnes hospitalisées en soins sans consentement”, c’est-à-dire en hospitalisation sous contrainte.

A cet égard, dans sa décision n° 2020-844 QPC du 19 juin 2019, saisi de l’article L 3222-5-1 du code de la santé publique, le Conseil constitutionnel a considéré que l’isolement et la contention constituaient des mesures privatives de liberté distinctes de la mesure d’hospitalisation sans consentement.

Dans ce même document la HAS précise que le recours à l’isolement peut, “à titre exceptionnel”, concerner aussi des patients en soins libres mais uniquement dans des situations d’urgence.

L’article 72 de la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 a introduit au sein du code de la santé publique l’article L. 3222-5-1 qui dispose que l’isolement et la contention sont des pratiques devant être utilisées en dernier recours et énonce clairement un objectif d’encadrement et de réduction de ces pratiques.

L’instruction n°DGOS/R4/DGS/SP4/2017/109 du 29 mars 2017 est venue préciser les modalités de mise en œuvre du registre prévu par la loi dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné pour assurer des soins psychiatriques sans consentement ainsi que l’utilisation des données au sein de chaque établissement, aux niveaux régional et national pour le suivi de ces pratiques

Le dispositif d’application est précisé par le décret n° 2021-537 du 30 avril 2021 relatif à la procédure applicable devant le juge des libertés et de la détention en matière d’isolement et de contention. 

Le décret n° 2022-419 du 23 mars 2022 précise les modalités d’application du cadre juridique des mesures d’isolement et de contention.

L’instruction n° DGOS/R4/2022/85 du 29 mars 2022 présente le cadre législatif et règlementaire régissant les mesures d’isolement et de contention. Elle précise les modalités de mise en œuvre des modifications apportées à ce cadre par l’article 17 de la loi du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique et par le décret d’application du même article législatif, notamment concernant l’instauration d’un contrôle systématique des mesures d’isolement et de contention par le juge des libertés et de la détention.

Elle décrit également les modalités d’accompagnement des établissements autorisés en psychiatrie pour la mise en œuvre de la politique de prévention, de réduction et de contrôle des pratiques d’isolement et de contention partagée au niveau européen.

Également, et comme évoqué ci-dessus, des recommandations et lignes directrices peuvent être tirées de HAS notamment sur les bonnes pratiques en matière d’isolement et de contention. 

 

2 - Les conditions de mise en œuvre des mesures de contention et d’isolement en psychiatrie

La décision d’isolement ou de contention doit figurer dans le dossier médical, avec mention du nom du psychiatre ayant pris la décision, de la durée de la mesure, des professionnels assurant la surveillance, date et heure de début.  Également, une fiche de prescription et de suivi doit être établie.  L’encadrement légal ne se limite pas à l’autorisation, mais prévoit des conditions précises pour limiter le risque d’abus.

Ainsi, l’utilisation de ces mesures doit être justifiée par un risque concret et imminent pour le patient lui-même ou pour autrui.  Elle doit par conséquent respecter la proportionnalité : la réponse (isolement/contention) doit être adaptée à la gravité et à l’urgence de la situation. Ces mesures doivent être limitées dans le temps, révisables, et réévaluées régulièrement. 

La mise en œuvre doit se faire dans des conditions de sécurité pour le patient et le personnel soignant, dans un espace dédié, permettant l’apaisement, le repos, et non l’isolement punitif. 

Le directeur d'établissement a l’obligation de prévenir l'entourage (toute personne susceptible d’agir dans l’intérêt du patient) du patient dès lors qu'est mise en œuvre une mesure d'isolement excédant 48 heures, ou une mesure de contention excédant 24 heures.

Dans une décision du 5 mars 2025 (décision n°2024-1127), le conseil constitutionnel a considéré qu’en ne prévoyant pas le principe d’informer la personne assurant la mesure de protection juridique, les dispositions légales méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif.

Par ailleurs, un registre administratif doit être tenu dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné par le directeur général de l’agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement, conformément à l’article 72 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 et à l’instruction n°DGOS/R4/DGS/SP4/2017/109 du 29 mars 2017.

Pour chaque mesure d’isolement, ce registre préservant l’anonymat du patient mentionne le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date et son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé ayant surveillé le patient.

Le registre, qui peut être établi sous forme numérique, doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP), au contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires.

Les établissements réalisent systématiquement un rapport annuel qui recense les pratiques d'admission en isolement et de contention, la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et l'évaluation de sa mise en œuvre.

Ce rapport est transmis pour avis à la commission des usagers et au conseil de surveillance de ces établissements.

Selon le régime en vigueur, l’isolement a une durée initiale maximale de 12 h. Si l’état l’exige, le renouvellement est possible par période de 12 h, dans la limite d’une durée totale de 48 h. 

La contention ne peut être mise en œuvre que dans le cadre d’un isolement. Elle a une durée initiale 6 h, renouvelable par période de 6 h, dans la limite totale de 24 h. 

À titre exceptionnel — si l’état de santé du patient le nécessite — des prolongations au-delà de ces limites sont possibles. Dans ce cas, le cadre légal exige des formalités spécifiques d’information et de saisine du juge. 

Chaque renouvellement doit s’accompagner d’une réévaluation de l’état du patient (visites médicales, examen), afin de juger de la poursuite ou non de la mesure. 

Enfin concernant les personnes placées sous main de justice régies par l’article L. 3214-1 du Code de la santé publique qui prévoit que ces personnes soient adressées en unité hospitalière spécialement aménagée (cf. guide méthodologique "prise en charge sanitaire des PPSMJ" 2019, mis à jour en mai 2023).

 

3 - Le contrôle judiciaire et les garanties procédurales en matière de contention et d’isolement en psychiatrie

Depuis la loi du 5 juillet 2011, les mesures d’hospitalisation complète font l’objet, en vertu de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, d’un contrôle systématique du juge des libertés et de la détention si leur maintien est envisagé au-delà de douze jours, puis tous les six mois si cette hospitalisation se poursuit. Le juge statue alors également, le cas échéant, y compris d’office, sur le maintien de la mesure d’isolement ou de contention appliquée au patient.

Les modalités de contrôle du juge de la liberté et de la détention sur les mesures d’isolement et de contention sont définies aux articles L. 3222-5-1, L. 3211-12 à L. 3211-12-2 et L. 3211-12-4 du CSP. Il a ainsi la possibilité d’ordonner une mainlevée de ces mesures dans le cadre de son contrôle sur les mesures de soins sans consentement ou dans le cadre de la possibilité de saisine aux fins de mainlevée ouverte sur ces mesures d’isolement ou de contention à « la personne faisant l’objet des soins, aux titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur si la personne est mineure, au conjoint, concubin ou la personne liée par un pacte civil de solidarité, à la personne chargée de la protection juridique, à un parent ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de la personne ou au procureur de la République » (article L. 3211-12 du CSP).

Informé par le directeur du renouvellement exceptionnel d’une mesure, le juge de la liberté et de la détention peut se saisir d’office pour y mettre fin. De même, lorsqu’il n’ordonne pas la mainlevée d’une mesure de soins sans consentement dans le cadre de son contrôle sur les hospitalisations en soins sans consentement, le juge de la liberté et de la détention statue, y compris d’office, sur le maintien de la mesure d’isolement et de contention en cours.

Le juge de la liberté et de la détention est par ailleurs saisi systématiquement par le directeur de l’établissement :

  • avant l’expiration de la quarante-huitième heure de contention dès lors qu’une décision de renouvellement est prise par le médecin ;

  • avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement dès lors qu’une décision de renouvellement est prise par le médecin.

Il est à noter que si la mesure d’isolement est renouvelée au-delà de deux décisions de maintien de la mesure par le juge de la liberté et de la détention, soit au-delà de 192 heures, ce dernier est saisi non plus au bout de soixante-douze heures, mais vingt-quatre heures avant l’expiration d’un délai de sept jours d’isolement à compter de la dernière décision du juge, soit tous les six jours d’isolement.

L’article L. 3211-12-2 III  du CSP prévoit que le juge de la liberté et de la détention statue par principe selon une procédure écrite. Le patient, ou le cas échéant, le requérant, peut demander à être entendu, auquel cas cette audition est de droit, sous réserve, s’agissant du patient, d’un avis médical y faisant obstacle.

S’il l’estime nécessaire, le juge de la liberté et de la détention peut tenir une audience. Celle-ci se tient selon les modalités précisées à l’article R. 3211-41 du CSP, dans les conditions prévues à l’article R. 3211-41 du CSP. Ainsi, le juge peut statuer publiquement à l’issue de l’audience. S’il décide de mettre sa décision en délibéré, il est contraint par les délais prévus à l’article R. 3211-39 du CSP. S’il ne statue pas dans ces délais, la mainlevée de la mesure est acquise.

En cas de saisine, le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de 24 heures à compter la 72ème heure d’isolement et de la 48ème heure de contention. Si le juge n’a pas statué dans ce délai, la mesure est levée.

Si la demande de saisine émane du patient concerné, elle doit être déposée au secrétariat de l’établissement hospitalier d’accueil ou recueillie oralement par le directeur qui la traduit sous forme de procès-verbal avant transmission au greffe du tribunal. À l’image de la procédure de contrôle de l’hospitalisation sous contrainte, le patient peut, s’il le souhaite, être assisté d’un avocat et demander à être entendu par le juge. Dans le cas où la demande de saisine n’émane pas du patient, ce dernier doit être informé par le greffe de ses droits. Le directeur est chargé de transmettre sous 10 heures, toutes les pièces nécessaires à la procédure (CSP, art.R. 3211-33-1).

En cas d’autosaisine du juge de la liberté et de la détention, ce dernier peut demander des observations émanant du patient concerné, de son psychiatre traitant ou de tout psychiatre ayant eu la charge de ses soins. Le juge de la liberté et de la détention peut donc être saisi par le patient lui-même (CSP, art. R. 3211-34 (pour une demande de mainlevée), par le directeur de l’établissement d’accueil (CSP, art. R. 3211-33-1) (pour confirmer le maintien de la mesure), ou par l’une des personnes visées à l’article L. 3211-12 du CSP (demande de mainlevée également) (CSP, art. R. 3211-35).

Enfin, dans une perspective de protection des droits des patients, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a rendu un rapport thématique intitulé « l’effectivité des voies de recours en psychiatrie »2.

 


1 Recommandation de bonne pratique HAS , Isolement et contention en psychiatrie générale, texte des recommandations février 2017 : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2017-03/isolement_et_contention_en_psychiatrie_generale_-_recommandations_2017-03-13_10-13-59_378.pdf

2 CGLPL / Rapport thématique « L’effectivité des voies de recours en psychiatrie » - Dossier de presse : https://www.cglpl.fr/app/uploads/2025/12/cglpl_rapport-effectivite-des-recours-en-psychiatrie_dossier-de-presse.pdf

 

ACCOMPAGEMENT ANFH

Dispensée depuis 2022, la formation sur la prévention du recours à l’isolement et la contention correspond à un besoin de formation toujours prégnant des agents œuvrant en psychiatrie.

En effet, ils font face à la fois à des obligations législatives et réglementaire parfois paradoxales aux conditions institutionnelles ainsi qu’un sentiment d’augmentation de l’intensité de la violence des personnes accueillies ou accompagnées.

Ainsi, l’Anfh souhaite poursuivre l’accessibilité de cette thématique à ses adhérents sur ce sujet et déploiera en ce sens une action de formation (ACN) au second semestre 2026.

Code de la santé publique

Décret n° 2021-537 du 30 avril 2021

Décret n° 2022-419 du 23 mars 2022

Instruction n° DGOS/R4/DGS/SP4/2017/109 du 29 mars 2017

Instruction n° DGOS/R4/2022/85 du 29 mars 2022

Recommandation de bonne pratique HAS, Isolement et contention en psychiatrie générale, texte des recommandations février 2017

Outils et services