DOSSIER // Développement durable

Entre obligations réglementaires et défis environnementaux, les établissements de la Fonction publique hospitalière passent à l’heure du développement durable. Accompagnée par l’ANFH, cette démarche transversale concerne toutes les activités du soin et repose aussi bien sur les politiques institutionnelles que sur l’engagement individuel. Tour d’horizon des actions et des bonnes pratiques en la matière.

Devenu incontournable pour les organisations, le développement durable (DD) est désormais inscrit à l’agenda des obligations de tous les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. En effet, la mise en place de politiques et de pratiques plus respectueuses de l’environnement est rendue obligatoire par une réglementation comportant des échéances contraignantes – à l’exemple de la loi Égalim qui, en 2022, impose l’adoption de produits plus sains dans le secteur de la restauration collective.

« Le niveau d’avancement de la démarche de développement durable est très variable selon les établissements et les régions », observe Philippe Gosset, Délégué régional AURA et responsable du groupe de travail  Développement Durable et Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE) à l’ANFH.

Les besoins en accompagnement sont ainsi à adapter en fonction du contexte de chaque établissement. » Pour y répondre, l’ANFH propose à l’ensemble de ses adhérents, au titre de son offre nationale, un webinaire de sensibilisation (comment favoriser le déploiement d’une politique DD) et trois webinaires complémentaires (diagnostic DD, plan d’actions adapté à l’établissement et comment mettre en œuvre les actions), ainsi qu’une boîte à outils en ligne très complète (voir encadré), qui permet de cerner l’essentiel des obligations réglementaires, des principes, des outils et des pistes d’action pour chaque thématique relevant du développement durable tels que le gaspillage alimentaire, les déchets ou l'énergie. Parmi les obligations et les priorités des établissements, citons trois exemples :

  • Intégrer un volet RSE : formaliser une stratégie dans le projet d’établissement
  • Application de la Loi ELAN (ex. : réduire les consommations énergétiques de 40% d’ici 2030, - 50% à 2040 et - 60% à 2050, ceci par rapport à une année de référence)
  • Obligation de développer une filière bio déchets (en 2023, plus aucun seuil). Pour cela, quelques exemples de solutions : méthanisation, déshydratation (substrat puis engrais), compostage sur site.

Des établissements pionniers dans le Sud de la France

« Dans notre délégation, le premier projet DD  remonte à 2015 ; il a été mis à jour et enrichi en 2019, détaille Marc Dumon, délégué régional ANFH PACA. Sur ce sujet, nous travaillons régulièrement avec la délégation Languedoc-Roussillon, et nos établissements adhérents sont plutôt en avance sur le sujet : aujourd’hui, une centaine d’entre eux sont engagés dans une démarche Développement Durable. Concrètement, ils ont mené un diagnostic général sur leurs pratiques en interne et sont engagés dans des plans d’action structurés pour les améliorer. C’est dans ce contexte qu’a pu être défini et mis en place, sur nos territoires, le cursus diplômant de responsable Développement durable en établissement de santé. »

Par nature transversale, l’approche « Développement durable » concerne tous les aspects des activités des établissements et instaure souvent un cercle vertueux pour les différents acteurs et services de l’hôpital. Par exemple, au centre hospitalier d’Aix-en-Provence, la lutte contre le gaspillage alimentaire a amené la diététicienne à revoir les grammages des denrées servies aux patients, et les déchets alimentaires peuvent être réduits de 200 à 60 grammes par plateau. Grâce aux économies réalisées sur les commandes alimentaires, l’établissement peut désormais proposer des gâteaux et des pains de boulangerie à la place des anciens produits industriels. Cette nouvelle offre est plébiscitée par les patients comme par les cuisiniers, qui ont une mission plus valorisante dans la préparation des repas. « Aucun domaine ne doit être laissé de côté dans cette approche, et il ne faut pas avoir de tabou ! explique Marc Dumon. Quand on sait par exemple qu’un EHPAD génère des couches usagées par dizaine de kilos par jour, on imagine les filières de valorisation que l’on pourrait développer pour le chauffage des établissements. »

Évoluer en s’appuyant sur l’implication quotidienne des équipes

Au-delà des politiques d’établissements qui offrent un cadre favorable au développement durable, celui-ci passe aussi par l’évolution des pratiques de soin et du matériel utilisé. « Il peut s’agir de petits réflexes relevant du bon sens, comme par exemple l’utilisation de pansements transparents qui permet de visualiser les cicatrices et de refaire le pansement uniquement si cela est nécessaire. » Ainsi, les gestes quotidiens des soignants sont au moins aussi importants que l’accompagnement de l’organisation qui encourage la transformation des process.

L’adhésion et l’implication des équipes représentent un facteur clé pour faire évoluer les pratiques. Au centre hospitalier de Valréas (Vaucluse), l’entretien des sols est désormais assuré grâce au bionettoyage à l’eau, qui a progressivement remplacé le nettoyage chimique des locaux. Bénéfique pour les patients et les agents comme pour l’environnement, ce changement a nécessité un investissement de départ dans de nouveaux matériels mais aussi la formation des équipes à leur utilisation. Les personnels ont dû s’adapter mais, ayant rapidement constaté les bénéfices de cette nouvelle méthode en termes d’efficacité et de réduction de risques pour leur santé et celle des patients, ils ont joué un rôle moteur dans sa mise en place. « Il est très utile pour les établissements de pouvoir s’appuyer sur l'engagement "environnemental" des agents pour favoriser le succès de leur projet DD, observe Aude Delpech, déléguée régionale ANFH Occitanie. D’autant que certains ont déjà un engagement citoyen dans ce domaine. Dans notre région, on observe une forte appétence des établissements pour ce sujet, des actes et des attentes concrètes de la part des équipes et des services, ce qui est très encourageant. »

Une transition menée en partenariat avec d’autres acteurs

Dans leur conversion au développement durable, les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux n’agissent pas seuls : ils développent leur démarche en collaboration avec de nombreux partenaires différents et s’inscrivent parfois dans des logiques existantes. « Contre le gaspillage alimentaire, il est possible d’agir au niveau départemental ou même micro-local, remarque Marc Dumon. Les établissements de santé peuvent ainsi participer aux circuits courts ou au développement des filières biologiques, au même titre que les cantines scolaires, par exemple. Lorsqu’il existe un programme alimentaire territorial (PAT), ils peuvent aussi y contribuer. »

De même, les établissements développant une politique d’achats responsables intègrent des réseaux de fournisseurs et de prestataires cultivant une approche éco-responsable, en cours de structuration et souvent répertoriés par les agences régionales de santé (ARS). Ainsi, la démarche Développement durable conforte les hôpitaux et les EHPAD comme acteurs essentiels de leurs territoires d’implantation pour aller vers des modèles plus respectueux de l’environnement voire créateurs de lien social. « Pour que les actions de développement durable portent pleinement leurs fruits, il est nécessaire que l’ensemble des personnels aient envie de faire évoluer leurs pratiques et se mobilisent en ce sens, conclut Marc Dumon. Mais je crois que nous sommes sur la bonne voie, au début d’un changement de paradigme qui va aussi faire transformer positivement la prise en charge des patients. »

« Le nouveau paradigme environnemental améliore la prise en charge des patients »

QU'EST-CE QUE L'ECOCONCEPTION DES SOINS ? 

Réaliser des soins ayant un impact minimal sur les plans sanitaire, social, économique et environnemental, durant leur cycle de vie comme à plus long terme : c’est la définition de l’écoconception des soins. Les enjeux de cette démarche sont multiples, puisqu’il s’agit aussi bien d’assurer une meilleure efficience des soins et de réduire leur coût, que de prévenir la pollution et l’épuisement des ressources naturelles. Une approche essentielle lorsqu’on sait par exemple qu’une intervention en bloc opératoire génère la même quantité de déchets qu’une famille de quatre personnes en une semaine.
Applicable à tous les types de soins, l’écoconception repose sur un processus en trois temps : après avoir mené un diagnostic des pratiques, on analyse leur impact à chaque étape de vie des dispositifs médicaux, puis on élabore un plan d’action définissant des axes d’amélioration. Les mesures adoptées peuvent être très variées : suppression des perturbateurs endocriniens, usage raisonné des antiseptiques, limitation des produits à usage unique, etc.

Pour en savoir plus, téléchargez la fiche pratique ANFH dédiée à l’écoconception des soins

 

« Une approche transversale du développement durable »
Marie-Laure Piqué, ingénieure et responsable du Développement durable au CHU de Nîmes

« Dès 2005, nous avons impulsé au CHU une démarche complète de gestion des déchets : création d’une plateforme et de circuits internes avec le service logistique, élaboration de règles de tri, instauration d’une démarche qualité, sensibilisation des agents… Nous avons poursuivi dans cette dynamique en nous investissant sur des dossiers tels que le risque chimique ou les eaux usées. À partir de là, en 2010, nous sommes entrés dans une démarche de développement durable à proprement parler. Un sourcing auprès des autres CHU nous a donné une vue d’ensemble des démarches en cours un peu partout en France. En parallèle, j’ai suivi une journée de formation dédiée aux stratégies de développement durable en établissement de santé. C’est ainsi que nous avons réalisé notre premier projet Développement durable. En 2016, un audit de la société Primum non Nocere, proposé par l’ANFH, nous a offert un regard extérieur pour consolider notre projet initial, le mettre à jour et l’enrichir de nouvelles actions.

Ce projet est structuré en quatre domaines d’intervention pour lesquels nous avons mis en place un certain nombre d’actions. Le premier sujet est l’optimisation des ressources en eau et en énergie. Dans ce cadre, nous avons notamment recruté un technicien spécialisé qui suit de près les consommations, nous permettant de réaliser plusieurs milliers d’euros d’économies chaque année. Le deuxième domaine d’intervention concerne la maîtrise de notre impact environnemental. Là, nous poursuivons le tri et la revente de déchets ; nous pratiquons aussi une gestion différenciée des espaces verts favorisant la biodiversité, ainsi que le don de repas excédentaires à la Banque alimentaire. Par ailleurs, nous privilégions les investissements éco-responsables, aussi bien dans notre politique d’achats que pour la gestion de notre bâti. Enfin, nous nous efforçons de contribuer à la qualité de vie au travail (QVT) en favorisant les mobilités douces pour nos personnels, et en multipliant les espaces de détente sur nos sites (parcours de santé, tables de pique-nique, etc.).

Globalement, cette démarche Développement durable est très positive et motivante parce qu’elle mobilise l’ensemble des équipes de l’établissement, des soignants aux personnels administratifs et techniques. Depuis deux ou trois ans, on assiste à une évolution dans la prise de conscience par rapport aux enjeux du développement durable : ce sont désormais les agents eux-mêmes qui nous soumettent des idées, et nous avons de nombreux échanges avec les équipes sur les sujets de développement durable et de RSE. »

 

DES OUTILS, DES TEMOIGNAGES ET DES RESSOURCES POUR AGIR

Gaspillage alimentaire, déchets, achats responsables, énergie, éco conception des soins, biodiversité, hygiène des locaux, qualité de l'air, mobilité, gaz à effet de serre : à travers une approche thématique autour d’une dizaine de sujets clés, l’ANFH met à la disposition de ses adhérents une boîte à outils multisupports pour œuvrer concrètement en faveur du développement durable.

Au programme, des fiches regroupant sous forme synthétique de nombreuses informations pratiques (enjeux, obligations réglementaires, exemples de mesures, chiffres clés, pas-à-pas…) ainsi que des podcasts et des retours d’expérience (fiches et vidéos) détaillant les bonnes pratiques et les démarches des établissements.


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